27 Mars 2012
L’Eau est la racine des choses existenciées (mawjûdât) dans leur totalité [et elle est le Trône de la vie divine] (1). C’est à
partir de l’Eau qu’Allâh crée toutes choses. Tout ce qui est autre qu’Allâh (2) est vivant… Le monde (en tant que « Royaume d’Allâh ») se réduit à des déterminations essentielles (a’yân)
(3) et à des rapports (nisab) ; ces déterminations sont douées de réalité actuelle (wujûdiyya) tandis que ces rapports, purement conceptuels (ma’qûla), en sont
dépourvus (‘adamiyya). C’est ainsi qu’est constitué tout ce qui est autre qu’Allâh – Puissant et Majestueux ! –. Du fait que l’Eau est la source de la Vie et que toutes les choses
vivantes comportent de tels rapports, (le Très-Haut) a relié le Trône « placé dans l’Eau » à la création de la vie et de la mort en vue de l’épreuve en disant : « Et Son Trône est présent dans
l’Eau pour qu’Il vous éprouve : lequel d’entre vous agit de la plus excellente manière. » (5) Le Trône, comme je viens de l’indiquer (en l’identifiant au mulk) (6) est donc fait (lui
aussi) de déterminations essentielles douées de réalité actuelle (a’yân wujûdiyya) et de rapports qui en sont dépourvus (nisab ‘adamiyya). (Le Très-Haut) a dit également : « Il
a créé la mort et la vie pour vous éprouver » (7). La vie désigne ici les déterminations essentielles et la mort les relations (sans réalité propre) (8).
(1) [wa huwa ‘arshu-l-hayât al-ilâhiyya. En arabe al-mâ’ (l’Eau) est masculin come al-‘arsh
(le Trône)].
(2) [mâ siwâ-Llâh]
(3) Cette traduction du mot ‘ayn a été utilisée par Michel Vâlsan dans son annotation au Livre du Nom de
Majesté ; cf. Etudes Traditionnelles, 1948, p.335.
(4) [al-a’yân wujûdiyya wa-n-nisab ma’qûla ‘adamiyya]
(5) [Cor.11.7 : wa kâna ‘arshu-Hu ‘alâ-l-mâ’ li-yabluwakum ayyukum ahsanu ‘amalâ].
(6) Cf. supra. P.64 [Après avoir noté que le « Trône est directement attribué à l’Ipséité divine évoquée par
le suffixe Hu » et que par l’absence du nom ar-Rahmân (niveau « ontologique ») fait que cette attribution (Trône à Huwa, l’Essence) indique qu’il s’agit « d’une assise
« essentielle » symbolisant la souveraineté suprême (ce qui explique notamment l’expression akbarienne ‘arsh adh-Dhât), Ch.A. Gilis traduit un passage du chap.317 des Futûhât
dans lequel le Cheikh al-Akbar commente le verset ci-dessus : « ‘Alâ, dans ce passage, a le sens de fî (le sens habituel de ‘alâ est « sur » et celui de fî «
dans ») du fait que le Trône est présent dans l’Eau, tout comme l’Homme est présent dans l’Eau en ce sens que c’est à partir de l’Eau qu’il a été existencié… Le Trône signifie ici la Possession
Universelle (al-Mulk) et le mot kâna est une particule d’affirmation existentielle (harf wujûdî). Le sens du passage est donc : « La Possession Universelle est présente
dans l’Eau », c’est-à-dire que l’eau est la racine de sa manifestation en tant que réalité distincte, et comme sa Substance principielle (hayûlâ) dans laquelle sont manifestées les
formes du Monde qui sont la Possession Universelle d’Allâh. »
(7) Cette citation présente un intérêt spécial du point de vue de l’interprétation coranique, car elle rapproche le
verset du Trône suprême des deux premiers versets de la sourate al-Mulk : « Béni soit Celui qui a dans Sa main la Royauté, et Il est puissant sur toute chose ; Celui qui a créé la mort
et la vie pour vous éprouver : lequel d’entre vous agit de la plus excellente manière… » [Cor. 67, 1-2 : tabâraka lladhî bi-yadihi-l-mulk wa Huwa ‘alâ kulli shay’in qadîr, lladhî khalaqa
al-mawta wa-l-hayât li-yabluwakum ayyukum ahsanu ‘amalâ wa Huwa al-‘Azîz al-Ghafûr].
(8) [Commentaire de Ch.A.Gilis : « En effet, lorsqu’elles sont envisagées comme « autre qu’Allâh », les possibilités de
manifestation apparaissent comme « vivantes », tandis que, lorsqu’elles sont envisagées dans leur identité essentielles avec Lui, elles apparaissent comme « mortes », et « éteintes » dans l’Unité
divine (ceci explique la désignation de la mashî’a comme « siège de l’Essence de l’Unité » (mustawâ Dhât al-ahadiyya)). Ce second point de vue est celui qui exprime la réalité
véritable puisque l’état de manifestation des possibilités contingentes comporte un caractère transitoire et adventice…]
[Ibn ‘Arabî, Futûhât chap.317. Extrait traduit et noté par Charles-André Gilis dans le chap.VIII de son livre Les sept
étendards du Califat, p.67-68. Les annotations entre crochets […] ne sont pas du traducteur.]