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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Ibn ‘Arabî – L’Etendue divine (al-ittisâ’ al-ilâhî) ou la Toute-Possibilité.

Allâh le Très-Haut comporte des attributions diverses et des vérités fondamentales (haqâ’iq) qui sont illimitées, bien qu’elles se rapportent à une essence (‘ayn) unique ; ces attributions sont dépourvues de toute réalité actuelle (wujûd) qui impliquerait leur soumission à la finitude… dès lors la création (1) des possibilités (de manifestation : mumkinât) est elle-même illimitée (2) : l’Acte créateur est permanent en ce monde et dans l’autre (3), et la connaissance s’y renouvelle en permanence ; c’est pourquoi l’ordre nous fut donné d’accroître notre science (4). Peut-être imagines-tu qu’il s’agit pour nous d’augmenter la réalité des sciences cosmologiques (5) ? Sûrement non, par Allâh ! Cet ordre concerne l’accroissement de la Science d’Allâh liée aux existenciations cosmiques (6) nouvelles et à ce qu’elles comportent, suivant les attributions divines particulières qu’elles manifestent. C’est sur ce point que le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix ! – a éveillé l’attention des cœurs (7) en disant dans une prière de demande [du’â’] : « Ô Allâhumma, Je T’adresse ma demande par tout Nom par lequel Tu T’es appelé Toi-même, ou que Tu as enseigné à l’une ou l’autre de Tes créatures, ou que Tu es seul à connaître dans la science de Ton mystère » (8). En effet les Noms sont de pures attributions divines (9) et le Mystère divin ne comporte pas de limites.

 

(1) En dépit de ce recours au langage théologique habituel, le Cheikh al-Akbar évoque ici, de toute évidence, le principe de la manifestation universelle.

(2) Au chapitre 129 des Futûhât, Ibn Arabî va plus loin encore et s’exclame : « Si l’étendue des possibilités (de manifestation) est illimitée, que dire alors de l’Etendue (ittisâ’) divine (essentielle)… et de la Connaissance (suprême) avec lesquelles les possibilités de manifestation ne peuvent (en tant que telles) entrer en relation, qu’elles nient les rapports conceptuels, ou qu’elles les affirment. » Cette « Etendue divine » [al-ittisâ’ al-ilâhî] correspond, en doctrine guénonienne, à la Toute-Possibilité. 

(3) [al-khalq ‘alâ-d-dawâm dunyâ wa âkhirah].

(4) [Il s’agit de l’ordre divin adressé au Prophète – sur lui la Grâce et la Paix ! – qui se trouve dans le verset Cor.20,114 : « Et dis : « Mon Seigneur, fais-moi croître en science » (wa qul rabbî zidnî ‘ilmâ). Cependant, il ne faut pas se méprendre sur la nature de cette science ainsi que le précisait le Cheikh al-Akbar : « Ceci ne vaut toutefois que pour la science d’Allâh, non pour celle de nombres, de l’architecture ou des astres ; même si (le Prophète) avait possédé ces sciences, cela n’aurait pu être qu’en vue de la science d’Allâh : lorsqu’Allâh lui donnait ces choses, ce n’était pas pour qu’il s’y arrêtât » (Futûhât chap.533, cf. L’Esprit universel de l’Islam, p.48). L’Emir Abdelkader précisait par ailleurs que : « La science dont il est ordonné de demander l’accroissement n’est pas la science des législations sacrées et des statuts traditionnels tel que l’ « obligatoire », le « permis » et le « défendu », car cette sorte de science (le Prophète) n’aimait pas qu’on en demande un surplus, disant à ses nobles Compagnons : « Laissez-moi tant que je vous laisse », c’est-à-dire : « Ne m’importunez pas sur ce qui est permis et défendu, ou pour savoir s’il faut répéter ce qui a été déclaré obligatoire – comme dans le hadîth concernant le pèlerinage* – tant que je ne vous informe pas moi-même lorsque vient une inspiration à ce sujet ». Il a dit également – sur lui la Grâce et la Paix ! – : « Qui agirait plus mal que celui qui interrogerait au sujet d’une chose et se la verrait interdire du fait de son interrogation ! », ou quelque chose d’approchant. La science dont il est ordonné de demander l’accroissement est uniquement la science des théophanies seigneuriales, celle des Noms et des attributs divins, celle dont le fruit accompagne celui qui la possède en ce monde et dans l’autre, dans toutes les phases de la Résurrection, dans la vie éternelle et le Paradis, à tout jamais ! Les autres sciences, on n’en a besoin qu’en ce bas-monde, demeure de l’astreinte légale, des besoins et de l’indigence ! (* A la question de savoir si le pèlerinage annuel était obligatoire chaque année, l’envoyé d’Allâh – sur lui la Grâce et la Paix ! – répondit : « Laissez-moi tant que je vous laisse ! Si je répondais « oui », il serait obligatoire et vous ne pourriez le supporter ». Selon l’émir, cette attitude du Prophète doit se comprendre comme une marque de compassion et de douceur à l’égard de sa communauté (cf. Mawâqif 286). On sait que le développement abusif des sciences légales est considéré comme une des causes de la déchéance des communautés traditionnelles antérieures.) (Mawqif 110, cf. L’Esprit universel de l’Islam, p.49-50).]

(5) [al-‘ilmu bi-l-akwân].

(6) [al-‘ilmu bi-Llâh bi-n-nadhar fîmâ yuhaddithuh mina-l-kawn].

(7) [nabbaha-l-qulûb].

(8) [Allâhumma innî as-‘aluka bi-kulli-smin sammayta bi-hi nafsaka aw ‘allamtahu ahadan min khalqika awi sta’-tharta bihi fî ‘ilmi ghaybi-ka].

(9) [nisab ilahiyyah].


[Ibn ‘Arabî, Futûhât chap.294. Extrait traduit et noté par Charles-André Gilis dans le chap.V de son livre L’Esprit universel de l’Islam, p.51-52. Les annotations entre crochets […] ne sont pas du traducteur.]

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