La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.
3 Février 2011
Les Initiés de l’Extérieur (Rijâl a-Zâhir) sont ceux qui possèdent le gouvernement (tasarruf) dans le monde du royaume et des choses visibles.
C’est d’eux que s’est réclamé le Cheikh Muhammad b. Qâ’id al-Awânî. Le Maître doué d’Intellect (al-‘âqil) Abû-s-Su’ûd b. ach-Chibl de Bagdad n’a pas voulu, quant à lui, réaliser cette
Station afin de respecter le sens des convenances avec Allâh.
Abû-l-Badr at-Tamâshikî de Bagdad – qu’Allâh lui fasse miséricorde ! – m’a rapporté ce récit : « Lorsque Muhammad b. Qâ’id al-Awânî, qui faisait partie des Afrâd, rencontra Abû-s-Su’ûd, il l’interpella en ces termes : « O Abû-s-Su’ûd, Allâh a partagé l’Empire du monde (mamlaka) entre toi et moi, pourquoi n’y exerces-tu pas le gouvernement comme je le fais moi ? » Abû-s-Su’ûd lui répondit : « O Ibn Qâ’id, je t’ai abandonné ma part, car nous avons laissé Dieu gouverner pour nous ! » C’est la Parole du Très-Haut : « Prends-Le donc pour préposé ! » (Cor.73.9). Il obéissait ainsi à l’ordre exprès d’Allâh.
Abû-l-Badr m’a rapporté cette autre parole d’Abû-s-Su’ûd : « Le gouvernement m’a été conféré depuis quinze ans – avant le moment où il parlait – mais je l’ai abandonné et rien n’en a paru en moi. »
Futûhât, chap.25.
On demanda à Abû-s-Su’ûd b. ach-Chibl de Bagdad, qui était « l’Intellect de son temps » (‘âqil zamâni-hi) (1) – qu’Allâh soit satisfait de lui ! – : « Allâh t’a-t-il conféré le Tasarruf ? » Il répondit : « Oui, depuis quinze ans, mais je l’ai abandonné par élégance ! » (2) C’est Dieu Lui-même qui gouverne pour nous ! » Il voulait dire par là – qu’Allâh soit satisfait de lui – qu’il avait obéi à l’ordre d’Allah de Le prendre pour préposé – qu’Il soit glorifié et magnifié !
Celui qui l’interrogeait reprit : « Et ensuite ? » (Abû-s-Su’ûd) répondit : « Les cinq prières et l’attente de la mort. L’homme véritable (rajul) est avec Allah comme l’oiseau qui avance : le bec fermé et les pattes qui bougent. »
(1) Cette qualification figure aussi dans le Texte 10, mérite d’autant plus l’attention qu’elle est proche de celle que Michel Vâlsan a utilisée pour définir la fonction traditionnelle de René Guénon ; (cf. Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon, p.66). Celle-ci présente des affinités évidentes avec celle des Afrâd telle qu’Ibn Arabî l’a décrit dans le premier texte reproduit plus haut : communiquer la Science et donner des conseils. Rappelons que René Guénon s’est toujours refusé à exercer de quelque manière de ce soit une fonction de maîtrise spirituelle. De manière analogue, le Cheikh al-Akbar n’a pas fondé de « tarîqa » ; son enseignement n’est lié à aucune organisation ésotérique déterminée car il renferme et synthétise toutes les voies. Signalons enfin au chapitre 73 des Futûhât (Question 153 du Questionnaire), Abû-s-Su’ûd est appelé « le Maître de son temps » (sayyid waqti-hi).
(2) Une critique akbarienne de cette parole figure dans le Texte 13 ; cf. infra, p.87.
Futûhât, chap.185.
Muhammad b. Qâ’id al-Awânî a dit : « Je me suis élevé jusqu’à ce que je n’ai plus vu devant moi qu’un seul pied » (1)… On lui demanda : « As-tu vu Abd al-Qâdir ? » Il répondit : « Je n’ai pas vu Abd al-Qâdir dans cette Dignité (initiatique). » On rapporta cette réponse à Abd al-Qâdir qui déclara : « Ibn Qâ’id dit vrai car j’étais dans la Chambre secrète (2) ; c’est de chez moi que j’ai sorti la faveur qu’il a obtenue. »
(1) Cet extrait et le suivant envisageant les propos d’Ibn Qâ’id rapportés dans le Texte 1 plus spécialement par rapport à la fonction du Cheikh Abd al-Qâdir al-Gîlânî. Ce dernier ne conteste pas la prétention d’Ibn Qâ’id mais affirme à cette occasion, tout au moins de manière implicite, sa qualité de « souverain des Saints » (sultân al-awliyâ).
(2) Cf. ci-dessus, Texte 1 , note 9.
Futûhât, chap.73, Question 153.
(Cheikh al-Akbar Ibn Arabî, al-Futûhât al-Makkiyyah ; traduction et notes par Charles-André Gilis dans Études complémentaires sur le califat, p.67-70)