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esprit-universel.overblog.com

La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Les Lettres de Moulay al-‘Arabî ad-Darqâwî (6)

Mawlay_Arabi_Darqawi.jpgExtraits des lettres 8

 

On n'accède à Dieu que par la porte de la mort de l'égo (nafs), comme l'affirment les Soufis. Or nous voyons - mais Dieu est plus savant - que le faqîr ne tuera pas son ego avant qu'il n'en puisse saisir la forme, et il ne la saisira qu'après s'être séparé du monde, de ses compagnons, ses amis et ses habitudes. Un faqîr me dit: "Ma femme m'a vaincu", à quoi je lui répondis: "Ce n'est pas elle qui t'a vaincu, mais c'est ta propre âme (nafs); Si tu avais vaincue ton âme, tu aurais vaincu le cosmos entier, en dépit de lui, combien plus ta femme, car rien ne nous vainc sauf notre propre âme (nafs); nous n'avons d'autre ennemi qu'elle; si nous pouvions la tuer, nous tuerions par là même tous les oppresseurs; que la malédiction de Dieu soit sur celui qui ment.

 

Extraits des lettres 9

 

Lorsque mon maître vit que je suivais la voie sincèrement, il m'ordonna de rompre avec les habitudes de mon âme (nafs); il me dit: "De même que nous devons acquérir la science de la Réalité spirituelle (al-haqîqah), nous devons en acquérir l'action". Je ne le compris pas. Alors il saisit mon haïk (Le haïk est un tissu sans couture qui sert à envelopper la tête et les épaules.) de sa noble main, l'arracha de ma tête, le tordit plusieurs fois et l'enroula autour de mon cou; puis il me dit: "Voici l'épreuve du bien!" Alors mon âme se troubla à tel point qu'elle eût préféré mourir plutôt que de se montrer dans cet accoutrement (1). Le maître me regarda sans mot dire, et je me sentis oppressé jusqu'à la mort. Je me levai avant que le maître ne se levât - ce qui était contraire à ma coutume - et je marchai jusqu'à ce que le mur de la zâwiyah me dérobât à sa vue. Alors mon âme (nafs) me dit: qu'est-ce que cela signifie donc? Je ne sus que lui répondre sauf de ramener mon haïk sur la tête comme les autres gens - non, je ne le fis pas, et je lui dis: le maître sait bien ce que cela signifie. Mais toi (mon âme), pourquoi t'es-tu tant troublée et révoltée? que crains-tu d'être humiliée? Qu'es-tu donc, et quel est ton rang, pour que tu ne supportes pas d'être dans cet état? N'aimes-tu donc qu'à rester avec ta concupiscence et tes bons plaisirs, à t'ébattre sans frein? Non, par Dieu, tu n'en jouiras pas aussi longtemps que je veillerai sur toi et tes hostilités! Alors, voyant mes yeux enflammés de colère, elle désespéra de sa concupiscence et sut qu'elle n'en aurait rien, et elle accepta finalement la loi que je lui imposai. Malheur au faqîr, malheur à lui, s'il voit la forme de sa propre âme (ou de son 'moi’, nafs) telle qu'elle est, et qu'il ne l'étrangle pas jusqu'à ce qu'elle en meure !

 

(1) En milieu musulman non influencé par l'Occident moderne, se montrer la tête découverte en public est signe de vulgarité, d'indiscipline ou de folie.

 

Extraits des lettres 10.

 

Vous ne pouvez pas concevoir que le faqîr soit détaché de toutes choses et qu'il ne soit pas dans la présence de Dieu; c'est impossible, car celui dont l'aspiration spirituelle (1) s'élève au-dessus des choses créées, atteint le Créateur, et L'atteindre, c'est Le connaître. Quittez donc résolument toutes les choses sur lesquelles vous vous reposiez, quelles qu'elles soient, et ne vous y fiez pas.

"Quiconque se contente, en échange, d'autre que Toi, périt.

Et qui tend vers ce qui est loin de Toi, se perd. Toute chose que tu quittes, peut être remplacée, Mais il n'y a pas pour Dieu, si tu Le quittes, de remplaçant."

 

Sachez que j'étais avec mon frère en Dieu, le pieux et noble Hassani Abul-'Abbâs Ahmed at-Tâhir (que la Miséricorde de Dieu soit sur lui) dans la mosquée al-Qarawiyin, et nous étions tous les deux intensément plongés dans la contemplation. Et voilà que soudainement mon compagnon se laissa distraire ou disons : s'affaiblir - jusqu'à ce qu'il tomba dans le bavardage comme le commun des gens. Alors je lui dis brusquement et en colère: "Si tu veux gagner, frappe et jette!"

 

Je dis également à un certain frère: "Ne frappe ni juif, ni chrétien, ni musulman, mais frappe ta propre âme (nafs), et ne cesse pas de la frapper jusqu'à ce qu'elle meure!" Et sans faute, sans faute, vous aussi, mes frères, rejetez le bavardage entièrement, car c'est une des pires tentations et ne convient pas à votre station ni à votre état spirituels. Et ne mentionnez les gens qu'en bien, car n’a pas de gratitude envers Dieu qui n'a pas de gratitude envers les hommes". comme dit le Prophète (sur lui la bénédiction et la paix). Nous constatons d'ailleurs - et Dieu est plus savant - que celui qui ne considère pas les hommes, c'est-à-dire, qui les ignore, ne contemple non plus Dieu d'une manière parfaite, car le parfait c'est celui auquel la créature ne cache pas le Créateur ni le Créateur la créature ; la connaissance distinctive ne lui cache pas la connaissance unitive, ni celle-ci celle-là; l'effet ne lui cache pas la cause, ni la cause l'effet, la loi religieuse (shari'ah) ne lui cache pas la vérité spirituelle (haqiqah) ni la vérité spirituelle la loi religieuse; la méthode (sulûk) ne lui cache pas l'attraction intérieure (jadhb), ni l'attraction intérieure la méthode, et ainsi de suite; c'est lui qui a réalisé le but; il est le parfait, le gnostique; tandis que son opposé c'est l'égaré; nous ne parlons pas du fou de Dieu (majdhûb) qui a été ravi hors de ses sens, car celui-ci n'est point égaré (2).

 

(1) al-himmah : la volonté spirituelle, la résolution qui tranche avec la passion mondaine.

(2) Le majdhûb, l' « attiré » par le jadhb (l'attraction) divine, c'est le spirituel dont l'esprit est continuellement absent du plan des sens et de la raison, de sorte qu'il apparaît comme un fou ou un somnambule.

 

(Moulay al-‘Arabî ad-Darqâwî, Lettres d'un maître soufi le Sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî, traduites de l'Arabe par Titus Burckhardt).

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