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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Michel Vâlsan : La fonction de René Guénon et le sort de l’Occident (8/12)

guenons 1932Mais on pourra nous faire ici quelques objections de méthode qui, d’ailleurs, viseraient la thèse de Guénon lui-même. On nous dira ainsi que ce n’est pas aux autorités religieuses, exotériques par définition, ni aux théologiens ou autres intellectuels ordinaires, qu’il incombe de réaliser cette compréhension doctrinale et raccord sur les principes dont il est question, et que, du reste, aux meilleurs temps du moyen âge, quand cet accord existait, ce n’est pas l’autorité religieuse, ni les théologiens ordinaires, qui y participaient directement et qui devaient le professer ouvertement. Ces remarques sont justes, mais elles ne correspondent pas à la situation que nous avons en vue, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la position doctrinale moderniste et anti-orientale dont nous parlons, joue tout de même, dans une certaine mesure, sur le plan contingent des études théoriques où apparaît en premier lieu l’oeuvre de Guénon elle-même, et de ce fait cette position influe sur la mentalité catholique en général; beaucoup de ceux qui seraient disposés autrement à aborder un enseignement traditionnel d’inspiration orientale, s’en trouvent troublés et détournés. D’autre part, lorsque l’on voit avec quelle hâte et facilité on accueille, ainsi que nous le disions, toutes sortes de conceptions modernes que rien ne justifie, ni au point de vue intellectuel, ni à un point de vue « catholique » même restreint, et que pour cela, évidemment non plus on ne peut invoquer un argument d’analogie avec ce qui se passait à l’époque des meilleures conditions traditionnelles, on est tout de même assez justifié d’enregistrer certaines réactions à titre de tendance significative d’ordre général, d’autant plus que les manifestations catholiques de sens contraire sont à peu près inexistantes.

 

Enfin, il n’est pas difficile d’admettre que les conditions dans lesquelles sont posées actuellement certaines questions, n’ont rien de commun avec une situation normale, et qu’il n’est pas possible de ne pas en tenir compte dans une certaine mesure ; de nos jours, on discute de tout et de tous les côtés, l’indifférence à peu près générale quant au fond des questions, et la liberté d’opinion courante que nous voyons, d’ailleurs, s’exercer dans le modernisme catholique lui-même, font que des questions qui, normalement, ne pouvaient être abordées que dans des conditions strictement déterminées, et par ceux-là seulement qui avaient les qualités requises pour le faire, sont en fait à la portée et dans la discussion des milieux et des catégories les plus diverses : c’est ainsi que des notions qui étaient attachées autrefois, dans le Christianisme pré-moderne, à un enseignement secret de caractère strictement initiatique, comme celles, par exemple, qui ont trait à la réalisation suprême et à l’unité fondamentale des formes traditionnelles sont tout de même en circulation sous des formes souvent incorrectes (puisqu’elles n’ont pas été toujours énoncées par des personnes réellement compétentes), à côté de toutes les aberrations intellectuelles du monde actuel, et c’est d’ailleurs cette confusion et cette indifférence réelle de la mentalité générale qui permettent et justifient la publication, de nos jours, des doctrines vraies elles-mêmes, car autrement il n’y aurait peut-être aucune possibilité d’atteindre ceux qui ont de réelles possibilités spirituelles, mais qui manquent de l’orientation nécessaire.

 

Du reste, nous reconnaîtrons volontiers, qu’il ne faut pas accorder une importance exagérée aux réactions de ceux qui ne sauraient représenter, en tout état de cause, que le point de vue le plus extérieur et les possibilités intellectuelles les plus communes, et que c’est à l’attitude des éléments d’élite qu’il faut attribuer une importance réelle. Mais ceux-ci, ont-ils vraiment une réalité suffisante pour qu’on se désintéresse complètement de ce qui se passe sur le plan général ? Nous pensons que de ce côté-là il ne doit y avoir pour le moment que des virtualités et des espoirs, car une constitution effective d’une élite intellectuelle se traduirait nécessairement dans une certaine mesure à l’extérieur par des tendances différentes de celles de la mentalité générale, et nous n’en voyons guère jusqu’à présent. Il suffit de regarder le domaine des études traditionnelles du Christianisme pour voir combien les manifestations d’une compréhension réelle des vérités métaphysiques et initiatiques sont rares et bien discrètes. D’ailleurs, il y aurait même à faire quelques constatations d’un ordre plus spécial qui ne sont pas encourageantes non plus.

 

Certaines possibilités initiatiques latentes du Catholicisme dont on pouvait espérer le réveil, n’ont pas eu de suite : il s’agit de ce que Guénon, qui en avait connaissance depuis longtemps, désignait plus tard dans ses Aperçus sur l’Initiation par l’expression de « survivance possible de quelques groupements d’hermétisme chrétien du moyen âge » (op. cit., p. 40, note 1). Or tant que les choses resteront ainsi, aussi bien dans l’ordre doctrinal que dans l’ordre effectif, et qu’un espoir de redressement subsisterait, il sera légitime d’accorder une importance aux conditions générales intellectuelles dont dépend dans quelque mesure la réalisation de ce redressement. Par contre, si cet espoir n’existait plus, ou s’il se trouvait réduit à peu de chose, et si les perspectives les moins favorables de la « seconde hypothèse » que nous avons examinée précédemment semblent devoir être considérées comme probables pour l’ensemble occidental, il y aurait, d’autant plus, intérêt à souligner le caractère représentatif général de ces manifestations spéciales de l’esprit moderne et anti-traditionnel, pour qu’une certaine clarté en résulte.

 

Une telle clarté produira vraisemblablement beaucoup de désillusion d’un côté, mais elle permettra aussi de simplifier les efforts et l’orientation possible. D’autre part, on ne demanderait pas tant aux représentants de l’Eglise de se prononcer sur des questions qui sont en dehors de leur attribut normal ; ce serait déjà beaucoup, dans les conditions actuelles, s’ils exerçaient ces attributs à l’égard de la mentalité moderniste dont les méfaits sont d’ordre général et vont ainsi contre les intérêts même d’ordre purement religieux de l’Eglise. Si, à part cela, parmi les membres de la hiérarchie catholique, il s’en trouvait dont les capacités et les convictions dépassent l’ordre religieux, et nous ne voyons pas pourquoi il n’en serait pas quelquefois ainsi, nous croyons qu’ils sauraient bien affirmer leur présence et leur point de vue quant à l’orientation spirituelle nécessaire, car une réserve excessive de leur part se tournerait contre le droit et même le devoir qu’ils ont de vivre dans une communauté spirituelle où la direction appartienne, non pas à la mentalité moderne la plus désolante, ni aux superstitions les plus grossières, mais à l’Esprit de Vérité et à la sainteté intellectuelle.

 

(Michel Vâlsan, La fonction de René Guenon et le sort de l'Occident, Revue Etudes Traditionnelles, Juil., Août, Sept., Oct, Nov. 1951; n° 293-294-295, p. 213)

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