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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Michel Vâlsan : Remarques Préliminaires sur l’Intellect et la Conscience (2/4)

Michel Valsan 1Nous pouvons faire remarquer aussi, que de tels textes paraissent suffisamment clairs pour exclure, au moins en principe, toute implication dualiste dans la conception que Guénon avait lui-même de la réalisation métaphysique, et que même si des termes comme celui d' « intellect pur » qui lui a servi en outre souvent pour rendre Buddhi — donc pour désigner une fonction intellective conditionnée mais transcendant la raison individuelle — n'étaient pas suffisants par eux-mêmes, pour attester une perspective de non-dualité, le contexte général ne permettrait aucun doute. De plus, d'autres textes d'importance centrale dans l'œuvre Guénonienne présentent une précision terminologique plus complète encore sur le point qui nous intéresse ici, et comme dans la présente circonstance cette question de terminologie technique nous semble jouer un certain rôle, nous en citerons un passage encore plus net.

 

En parlant de la connaissance totale et absolue en tant que réalisation de l'être total, Guénon précise aussi la façon dont il faut entendre l'identité métaphysique du possible et du réel, et dit : « puisque tout possible est réalisé par la connaissance, cette identité prise universellement, constitue précisément comme l'adéquation parfaite de la connaissance à la Possibilité totale. On voit sans peine toutes les conséquences que l’on peut tirer de cette dernière remarque, dont la portée est immensément plus grande que celle d'une définition simplement logique de la vérité, car il y a là toute la différence de l'intellect universel et inconditionné à l'entendement humain avec ses conditions individuelles... » Une note à cet endroit, à propos de l' « intellect universel et inconditionnel » précise : « Ici, le terme « intellect » est aussi transposé au-delà de Buddhi, qui, quoique d'ordre universel et informel, appartient encore au domaine de la manifestation, et par conséquent ne peut être dite inconditionnée (1). » On comprendra mieux plus loin pourquoi nous insistons dans ces précisions.

 

(1) Les Etats multiples de l’être ; ch. XVI. p. 121 (= p. 116-117 de la 2e édition).

 

On peut naturellement se demander comment s'expliquerait le fait que, dans l'adwaita, comme dans les doctrines hindoues en général, buddhi ne se laisse pas transposer analogiquement au degré principiel suprême ainsi que cela arrive un peu partout avec des termes soit de la perspective « intellect », soit de celle de « pensée » ou d'« esprit » ou encore de « souffle », de « verbe », d' « homme » (cf. Purusha), « être » etc. Mais quelle que soit la réponse (2), il est d'autre part nécessaire que, dans toute perspective doctrinale où l'intellect est désigné par un terme d'acception restreinte et spéciale comme buddhi, un autre terme vienne désigner les degrés suprêmes de la hiérarchie intellective. C'est ce que nous constatons effectivement dans les doctrines hindoues, avec les notions exprimées par les termes Chit et Chaitanya provenant d'une racine verbale qui cependant elle-même jouit des possibilités de transfert normales, puisqu'on la retrouve représentée au degré individuel par chitta, la « pensée individuelle », la « mémoire », etc... La traduction de ces deux termes a été faite, en effet, un certain temps par l'idée d' « Intelligence pure », mais il y avait lieu pour quelques nuances : par exemple, « Conscience totale » pour Chit, attribut essentiel aussi bien d'Atmâ que d'Ishwara, « Conscience omniprésente » pour Chaitanya. Ce sont les correspondances qu'avait trouvées Guénon lui-même comme les plus adéquates avec la perspective de l'adwaita, tout d'abord dans L'Homme et son devenir selon le Vêdânta (3), et cela montre déjà qu'il ne voyait, lui, aucune incompatibilité de conception entre cette perspective subjective et le point de vue plus général de l'intellectivite qui est aussi son point de vue constant.

 

(2) A ce propos on peut certainement retenir la relative « nouveauté » de ce terme dans les textes védantiques puisque les plus anciennes Upanishades, comme la Chândogya et la Brihadâranyaka, qui sont aussi les plus grandes, ne le connaissent pas et emploient, là où il pourrait se trouver, le terme de valeur plus générale manas qui désigne le sens interne et qui, tout comme son correspondant occidental mens, entre dans des équations riches de possibilité. « Il faut savoir que Brahma est manas », déclare par exemple la ChândogyaUpanishad (III, 18-1), après avoir précédemment explique que « Sens pur (Mano-mayah)... cet Atmâ qui est dans mon coeur... plus petit... qu'un noyau de grain de mil... et plus grand que tous les mondes... cet Atmâ c'est Brahma même (III, 14-2, 3, 4). « Le manas, en vérité, ô roi, est le Suprême Brahma» dit d'autre part la Brihadâranyaka Upanishad (IV, 1, 6). « On ne peut le voir que par le manas » (ibid. IV, 4, 19). II y a cette fois-ci pourrait-on dire, une perspective soit « théogonique » soit « théophanique » sur le principe constitutif central de l'être humain. Mais bien entendu de telles formules, tout en jouissant de la valeur « institutionnelle » propre aux thèmes de la Shruti — ce qui impose aux Elaborations réfléchies de la Smriti l'obligation de garder au moins un aspect de la « lettre » dans les formulations finales — de telles formules upanishadiques, disons-nous, doivent être finalement comprises selon l'économie d'ensemble des autres formules de la Shruti, ce qui sauvegardera l'inconditionnement absolu et la non-qualification ultime du Suprême Brahma.

(3) Voir surtout le ch. XIV (initialement ch. XV) : « L'état de sommeil profond ou la condition de Prâjna».

 

Du reste c'est chez lui seul qu'on trouve vraiment bien expliqué ce qu'est la « conscience », tout d'abord au sens propre, c'est-à-dire au degré individuel, ou elle apparaît comme un produit du passage de l'intellect de l'universel à l'individuel (4), et ensuite, par transposition analogique au degré de l'Etre pur. A ce dernier propos, voici ce qu'il est utile de se rappeler en cette circonstance : « Comme le mot « raison », le mot « conscience » peut être parfois universalisé, par une transposition purement analogique, et nous l'avons fait nous-même ailleurs pour rendre la signification du terme Sanscrit Chit (5) ; mais une telle transposition n'est possible que lorsqu'on se limite à l'Etre, comme c'était le cas alors pour la considération du ternaire Sachchidânanda. Cependant, on doit bien comprendre que, même avec cette restriction, la conscience ainsi transposée n'est plus aucunement entendue dans son sens propre, tel que nous l'avons précédemment défini, et tel que nous le lui conservons d'une façon générale : dans ce sens, elle n'est, nous le répétons, que le mode spécial d'une connaissance contingente et relative, comme est relatif et contingent l'état d'être conditionné auquel elle appartient essentiellement ; et, si l’on peut dire qu'elle est une « raison d'être » pour un tel état, ce n'est qu'en tant qu'elle est une participation, par réfraction, à la nature de cet intellect universel et transcendant qui est lui-même, finalement et éminemment, la suprême « raison d'être » de toutes choses, la véritable « raison suffisante » métaphysique qui se détermine elle-même dans tous les ordres de possibilités, sans qu'aucune de ces déterminations puisse l'affecter en quoi que ce soit » (6).[…]

 

(4) Les Etats multiples de l’être, ch. VIII.

(5) L'Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XIV.

(6) Les Etats multiples de l’être, ch. XVI.

 

(Michel Vâlsan, Remarques préliminaires sur l'Intellect et la Conscience, Revue Etudes Traditionnelles, Juil.-Août et Sept.-Oct. 1962; n° 372-373, p. 201)

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