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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

René Guénon : Contre le mélange des formes traditionnelles (2/3)

guenons 1932Il y a en somme, entre ce cas et celui d’un mélange illégitime de formes traditionnelles, toute la différence que nous avons indiquée comme étant, d’une façon générale, celle de la synthèse et du syncrétisme, et c’est pourquoi il était nécessaire, à cet égard, de bien préciser celle-ci tout d’abord. En effet, celui qui envisage toutes les formes dans l’unité même de leur principe, comme nous venons de le dire, en a par là même une vue essentiellement synthétique, au sens le plus rigoureux du mot ; il ne peut se placer qu’à l’intérieur de toutes également, et même, devrions-nous dire, au point qui est pour toutes le plus intérieur, puisque c’est véritablement leur centre commun. Pour reprendre la comparaison que nous avons employée tout à l’heure, toutes les voies, partant de points différents, vont en se rapprochant de plus en plus, mais en demeurant toujours distinctes, jusqu’à ce qu’elles aboutissent à ce centre unique (6) ; mais, vues du centre même, elles ne sont plus en réalité qu’autant de rayons qui en émanent et par les quels il est en relation avec les points multiples de la circonférence (7). Ces deux sens, inverses l’un de l’autre, suivant lesquels les mêmes voies peuvent être envisagées, correspondent très exactement à ce que sont les points de vues respectifs de celui qui est « en chemin » vers le centre et de celui qui y est parvenu, et dont les états, précisément, sont souvent décris ainsi, dans le symbolisme traditionnel, comme ceux du « voyageur » et du « sédentaire ». Ce dernier est encore comparable à celui qui, se tenant au sommet d’une montagne, en voit également, et sans avoir à se déplacer, les différents versants, tandis que celui qui gravit cette même montagne n’en voit que la partie la plus proche de lui ; et il est bien évident que la vue qu’en a le premier peut seule être dite synthétique.

 

D’autre part, celui qui n’est pas au centre est forcément toujours dans une position plus ou moins « extérieure », même à l’égard de sa propre forme traditionnelle, et à plus forte raison à l’égard des autres ; si donc il veut, par exemple, accomplir des rites appartenant à plusieurs formes différentes, prétendant utiliser concurremment les uns et les autres comme moyens ou « supports » de son développement spirituel, il ne pourra réellement les associer ainsi  que du « dehors », ce qui revient à dire que ce qu’il fera ne sera pas autre chose que du syncrétisme, puisque celui-ci consiste justement en un tel mélange d’éléments disparates que rien n’unifie véritablement. Tout ce que nous avons dit contre le syncrétisme en général vaut donc dans ce cas particulier, et même, pourrait-on dire, avec certaines aggravations : tant qu’il ne s’agit que de théories, en effet, il peut, tout en étant parfaitement insignifiant et illusoire et en ne représentant qu’effort dépensé en pure perte, être du moins encore relativement inoffensif ;mais ici, par le contact direct qui est impliqué avec des réalités d’un ordre plus profond, il risque d’entrainer, pour celui qui agit ainsi, une déviation ou un arrêt de ce développement intérieur pour lequel il croyait au contraire, bien à tort, se procurer par là de plus grandes facilités. Un tel cas est assez comparable à celui de quelqu’un qui, sous prétexte d’obtenir plus sûrement une guérison, emploierait à la fois plusieurs médicaments dont les effets ne feraient que se neutraliser et se détruire, et qui pourraient même, parfois, avoir entre elles des réactions imprévues et plus ou moins dangereuses pour l’organisme ; il est des choses dont chacune est efficace quand on s’en sert séparément, mais qui n’en sont pas moins radicalement incompatibles.

 

(6) Dans le cas d’une forme traditionnelle devenue incomplète comme nous l’expliquions plus haut, on pourrait dire que la voie se trouve coupée en un certain point avant d’atteindre le centre, peut-être plus exactement encore, qu’elle est impraticable en fait à partir de ce point, qui marque le passage du domaine exotérique au domaine ésotérique.

(7) Il est bien entendu que, de ce point de vue central, les voies qui, comme telles, ne sont plus praticables jusqu’au bout, ainsi que nous venons de le dire dans la note précédente, ne font aucunement exception.

 

(René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap.VII : Contre le mélange des formes traditionnelles, Éditions Traditionnelles, p.48-52).

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