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esprit-universel.overblog.com

La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

René Guénon : La prière et l’ « esprit » de la collectivité.

Guenon-author-pg-image-5On peut regarder chaque collectivité comme disposant, en outre des moyens d’action purement matériels au sens ordinaire du mot, c’est-à-dire relevant uniquement de l’ordre corporel, d’une force d’ordre subtil constituée en quelque façon par les apports de tous ses membres passés et présents, et qui, par conséquent, est d’autant plus considérable et susceptible de produire des effets d’autant plus intenses que la collectivité est plus ancienne et se compose d’un plus grand nombre de membres ; il est d’ailleurs évident que cette considération « quantitative » implique essentiellement qu’il s’agit du domaine individuel, au-delà duquel elle ne saurait plus aucunement intervenir. Chacun des membres pourra, lorsqu’il en aura besoin, utiliser à son profit une partie de cette force, et il lui suffira pour cela de mettre son individualité en harmonie avec l’ensemble de la collectivité dont il fait partie, résultat qu’il obtiendra en se conformant aux règles établies par celle-ci et appropriées aux diverses circonstances qui peuvent se présenter ; ainsi, si l’individu formule alors une demande, c’est en somme, de la façon la plus immédiate tout au moins, à ce qu’on pourrait appeler l’esprit de la collectivité (bien que le mot « esprit » soit assurément impropre en ce cas, puisque, au fond, c’est seulement d’une entité psychique qu’il s’agit) que, consciemment ou non, il adressera cette demande. Cependant, il convient d’ajouter que tout ne se réduit pas uniquement à cela dans tous les cas : dans celui des collectivités appartenant à une forme traditionnelle authentique et régulière, cas qui est notamment celui des collectivités religieuses, et où l’observation des règles dont nous venons de parler consiste plus particulièrement dans l’accomplissement de certains rites, il y a en outre intervention d’un élément véritablement « non-humain », c’est-à-dire de ce que nous avons appelé proprement une influence spirituelle, mais qui doit d’ailleurs être regardée ici comme « descendant » dans le domaine individuel, et comme y exerçant son action par le moyen de la force collective dans laquelle elle prend son point d’appui (1).

 

Parfois, la force dont nous venons de parler, ou plus exactement la synthèse de l’influence spirituelle avec cette force collective à laquelle elle s’ « incorpore » pour ainsi dire, peut se concentrer sur un « support » d’ordre corporel, tel qu’un lieu ou un objet déterminé, qui joue le rôle d’un véritable « condensateur » (2), et y produire des manifestations sensibles, comme celles que rapporte la Bible hébraïque au sujet de l’Arche d’Alliance et du Temple de Salomon ; on pourrait aussi citer ici comme exemples, à un degré ou un autre, les lieux de pèlerinage, les tombeaux ou reliques de saints ou d’autres personnages vénérés par les adhérents de telle ou telle forme traditionnelle. C’est là que réside la cause principale des « miracles » qui se produisent dans les diverses religions, car ce sont là des faits dont l’existence est incontestable et ne se limite point à une religion déterminée ; il va sans dire d’ailleurs, que, en dépit de l’idée qu’on s’en fait vulgairement, ces faits ne doivent pas êtres considérés comme contraires aux lois naturelles, pas plus que, à un autre point de vue, le « supra-rationnel » ne doit pas être pris pour de l’ « irrationnel ». En réalité, redisons-le encore, les influences spirituelles ont aussi leurs lois, qui, bien que d’un autre ordre que celles des forces naturelles (tant psychiques que corporelles), ne sont pas sans présenter avec elles certaines analogies ; aussi est-il possible de déterminer des circonstances particulièrement favorables à leur action, que pourront ainsi provoquer et diriger, s’ils possèdent les connaissances nécessaires à cet effet, ceux qui en sont les dispensateurs en raison des fonctions dont ils sont investis dans une organisation traditionnelle. Il importe de remarquer que les « miracles » dont il s’agit ici sont, en eux-mêmes et indépendamment de leur cause qui seule a un caractère « transcendant », des phénomènes purement physiques, perceptibles comme tels par un ou plusieurs des cinq sens externes ; de tels phénomènes sont les qui puissent être constatés généralement et indistinctement par toute la masse du peuple ou des « croyants » ordinaires, dont la compréhension effective ne s’étend pas au-delà des limites de la modalité corporelle de l’individualité.

 

Les avantages qui peuvent être obtenus par la prière et par la pratique des rites d’une collectivité sociale ou religieuse (rites communs à tous ses membres sans exception, donc d’ordre purement exotérique et n’ayant évidemment aucun caractère initiatique, et en tant qu’ils ne sont pas considérés par ailleurs comme pouvant servir de base à une « réalisation » spirituelle) sont essentiellement relatifs et contingents, mais ne sont pourtant nullement négligeables pour l’individu, qui, comme tel, est lui-même relatif et contingent ; celui-ci aurait donc tort de s’en priver volontairement, s’il est rattaché à quelque organisation capable de les lui procurer. Ainsi, dès lors qu’il faut bien tenir compte de la nature de l’être humain telle qu’elle est en fait, dans l’ordre de réalité auquel elle appartient, il n’est nullement blâmable, même pour celui qui est autre chose qu’un simple « croyant » (en faisant ici entre la « croyance » et la « connaissance » une distinction qui correspond en somme à celle de l’exotérisme et de l’ésotérisme), de se conformer, dans un but intéressé, par là même qu’il est individuel et en dehors de toute considération proprement doctrinale, aux prescriptions extérieures d’une religion ou d’une législation traditionnelle, pourvu qu’il n’attribue à ce qu’il en attend ainsi que sa juste importance et la place qui lui revient légitimement, et pourvu aussi que la collectivité n’y mette pas des conditions, qui, bien que communément admissibles, constituerait une véritable impossibilité de fait dans ce cas particulier ; sous ces seules réserves, la prière, qu’elle soit adressée à l’entité collective ou par son intermédiaire, à l’influence spirituelle qui agit à travers elle, est parfaitement licite, même au regard de l’orthodoxie la plus rigoureuse dans le domaine de la pure doctrine (2).

 

(1) On peut remarquer que, dans la doctrine chrétienne, le rôle de l’influence spirituelle, correspond à l’action de la « grâce », et celui de la force collective à la « communion des saints ».

(2) Il est bien entendu que prière n’est aucunement synonyme d’ « adoration » ; on peut fort bien demander des bienfaits à quelqu’un sans le « diviniser » pour cela en aucune façon.

 

(René Guénon, Aperçus sur l’initiation, extrait du chap.XXIV : La prière et l’incantation, p.166-169).

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