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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Ibn ‘Arabî - Sagesse de Khâlid.

Ibn ‘Arabî - Sagesse de Khâlid.

LE CHATON D’UNE SAGESSE DU SOUTIEN UNIVERSEL (1)

DANS UN VERBE DE KHÂLID.

La Sagesse de Khâlid b. Sinân se manifesta dans le fait qu’il demanda (au Très Haut) (2) la Prophétie dans le monde intermédiaire (3). En effet, il n’a prétendu communiquer ce qu’il y avait dans ce monde qu’après la mort, en ordonnant qu’on l’exhume et qu’on l’interroge afin qu’il puisse confirmer (4) que la condition du monde intermédiaire est celle d’une forme analogue à celle de la vie de ce monde, et que soit reconnue ainsi la véridicité de l’ensemble des envoyés dans l’enseignement qu’ils ont transmis au cours de leur vie terrestre (5).

Le but de Khâlid - sur lui la Paix ! - (6) était que l’univers entier croie aux enseignements donnés par les envoyés (divins) et qu’il soit lui-même une miséricorde pour tous (7). Il tirait sa noblesse de la proximité (cyclique) que sa (propre) qualité prophétique présentait avec celle de Muhammad - qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa paix ! -, et il savait qu’Allâh enverrait celui-ci comme une Miséricorde pour les mondes (8).

Khâlid n’était pas un envoyé (divin), mais il voulait obtenir la plus abondante possible de cette miséricorde présente dans la risâla (9) muhammadienne. N’ayant pas reçu l’ordre de transmettre un message quelconque, il voulut obtenir cette fonction (10) dans le monde intermédiaire afin de renforcer la science (traditionnelle) aux yeux des créatures (11). Son peuple le négligea (12). Le Prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - n’a pas de son peuple qu’il était perdu ; il a dit qu’ils avaient « perdu » leur prophète, en ce sens qu’ils n’avaient pas accompli sa volonté.

Allâh lui donnera-t-il le salaire que mérite son vœu ? Il n’y a ni doute ni désaccord sur le fait qu’il obtiendra le salaire que mérite un (tel) vœu. Le doute et le désaccord portent uniquement sur le salaire dû pour sa réalisation ; (autrement dit :) y a-t-il, ou non, équivalence entre le vœu qui est effectivement réalisé et celui qui ne l’est pas ? La Loi sacrée confirme cette équivalence dans de nombreux cas : celui qui se rend à une prière rituelle accomplie en commun et la manque (13) aura le salaire de celui qui y était présent ; ou encore celui qui, en dépit de sa pauvreté, souhaiterait pouvoir accomplir les bonnes œuvres de ceux qui possèdent argent et richesses aura le même salaire que ces derniers. Mais est-ce le même salaire pour leurs intentions ou bien pour leurs œuvres ? (Ceux-ci) réunissent, en effet, les unes et les autres et le Prophète n’a pas spécifié s’il fallait réunir les deux aspects (14), ou si un seul d’entre eux suffisait. Néanmoins, il est évident que les deux cas (15) ne sont pas équivalents. C’est pour cela que Khâlid b. Sinân a recherché (l’obtention effective de) cette (fonction de) transmission, de manière à réaliser la Station de la synthèse de ces deux éléments et à obtenir les deux salaires.

Mais Allâh est plus Savant !

(1) Samadiyya. Adjectif formé sur le nom divin as-Samad (le Soutien universel) (cf. Cor.,112,3). À propos du sens de ce Nom, Michel Vâlsan a relevé que « les commentateurs arabes soulignent des aspects très variés : le Maître Parfait. Celui dont tout être a besoin, le Doué de Plénitude (sans creux), le Dur, l’Eternel, etc. » (cf. Etudes Traditionnelles, 1969, p.162). Nous ajouterons à cette liste « le Rocher fermement fixé à la terre » (cf. Lisân al-Arab : sakhratun râsiyatun fî-l-ard) qui revêt ici une importance particulire.

(2) Da’wâ-hu. Le sens habituel du terme est « prétendre », que l’on retrouve dans la phrase suivante avec le verbe idda’a ; mais on admet aussi qu’il peut prendre aussi le sens d’une demande adressée à Dieu (cf. Nâbulusî).

(3) Al-barzakh. Le mot désigne ici l’état intermédiaire entre ce monde et la vie future, où les âmes des morts résident dans l’attente de la Résurrection et du Jugement.

(4) Comme témoin direct.

(5) L’histoire de Khâlid est la suivante. Il vécut en Arabie peu de temps avant Muhammad. Sa forte aspiration spirituelle l’avait conduit au degré initiatique suprême, et il exerçait aussi une certaine fonction extérieure car son peuple recourait à lui dans le besoin. On rapporte qu’un jour « un grand feu destructeur étant sorti d’une grotte (mughâra) », son peuple demanda à Khâlid de l’en délivrer. Il força alors ce feu à y retourner en le frappant de son bâton et le suivit dans la grotte pour l’éteindre définitivement. Puis, il annonça qu’il y demeurerait lui-même durant trois jours et demanda qu’on ne recherche pas à le faire revenir pendant ce temps, car, s’il ressortait à ce moment, il mourrait. Après deux jours, son peuple perdit patience et se mit à crier. Khâlid sortit de la grotte et mourut peu après. Avant de mourir, il demanda qu’on l’enterre, puis qu’on l’exhume après quarante jours de manière à ce qu’il puisse porter témoignage en faveurs de l’ensemble des envoyés. Là encore, sa volonté ne fut pas respectée, de sorte que son peuple « perdit » Khâlid définitivement, selon la Parole du Prophète rapportée plus loin (cf. infra, note 12).

(6) Afîfî et Nâbulusî adoptent ici la formule : « Qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce et Sa paix ! » habituellement réservée dans les Fusûs au Prophète de l’Islam, mais les autres versions ne confirment pas cette lecture.

(7) On peut comprendre « pour l’ensemble de l’univers » (Jâmî) ou « pour l’ensemble des envoyés et de leurs communautés » (Nâbulusî).

(8) Cor.,21,107.

(9) C’est-à-dire la « Mission divine ».

(10) C’est-à-dire la fonction de transmettre un message. Nâbulusî comprend plutôt « cette part abondante de la miséricorde ».

(11) Du fait qu’il témoignerait de la condition humaine dans la vie future (ou, plus exactement, dans les prolongements de l’état humain), alors que les envoyés transmettent à ce sujet une science dont ils n’ont pas, tout au moins « aux yeux des créatures », la connaissance directe.

(12) Adâ’a-hu ; le même terme est traduit dans la phrase suivante par « avaient perdu », tandis que « était perdu » correspond à un verbe de la même racine. Allusion à un hadîth suivant lequel, la fille de Khâlid ayant rendu visite au Prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! -, celui-ci l’avait accueilli en disant : « Bienvenue à la fille d’un prophète que son peuple a perdu (ou négligé) ».

(13) Par exemple, s’il arrive en retard, ce qui le contraint à prier seul. La prière obligatoire faite en commun est recommandée, et sa récompense plus grande.

(14) Sous-entendu : pour qu’il y ait équivalence.

(15) C’est-à-dire le cas où l’intention est suivie d’une réalisation effective et le cas où elle ne l’est pas.

[Muhyî-d-Dîn Ibn ‘Arabî, Fusûs al-Hikam. Trad. et annoté par Charles-André Gilis dans Le Livre des Chatons des Sagesses, Tome II, Al-Bouraq, 1998, p.675-677. Nous renvoyons à ce livre pour l’excellent commentaire du traducteur (p.679-683) montrant « la complémentarité existentielle et cyclique » des deux Sagesses de Shîth et de Khâlid (et leurs rapports avec le Cheikh al-Akbar en tant que Sceau de la sainteté muhammadienne), celle du « support théophanique du Donateur universel (al-Wahhâb) et le « soutien universel des Prophètes et des envoyés ».]

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