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esprit-universel.overblog.com

La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

Fusus al-Hikam : Le chaton d’une sagesse de l’âme dans un verbe de Yûnus (Jonas) 2/2

6. Comme est admirable cette parole de l’Envoyé d’Allâh – qu’Allâh répande sur lui Sa grâce et Sa Paix ! - : « Ne vais-je pas vous apprendre ce qui est meilleur et préférable pour vous que d’aller à la rencontre de vos ennemis pour les massacrer et qu’ils vous massacrent ? L’invocation d’Allâh ! » En effet, seul celui qui pratique l’invocation d’Allâh telle qu’elle est requise de lui connaît la valeur de la (35) constitution humaine car le Très-Haut « est le Compagnon » (36) de celui qui l’invoque ». Le Compagnon est contemplé (directement) par celui qui pratique l’invocation ; tant qu’il ne contemple pas Dieu qui est son Compagnon, il ne la pratique pas (véritablement), car l’invocation d’Allâh (est celle qui) pénètre le serviteur dans sa totalité (37). (Ce hadîth ne concerne donc) pas celui qui L’invoque uniquement par sa langue, car, à ce moment, Dieu est uniquement le « Compagnon de sa langue » : la langue le voit, mais l’homme ne Le voit pas par le moyen (habituel) de la vue, qui est le regard. (38)

 

Comprend donc ce secret relatif à l’invocation de ceux qui sont distraits. Ce qui, chez le distrait, pratique l’invocation est « présent » (39) sans aucun doute ; et l’objet de son invocation est son Compagnon, de sorte qu’il Le contemple ; mais le distrait en tant que tel, ne pratique pas l’invocation : (Allâh) (40) n’est pas le Compagnon du distrait.

 

L’homme est multiple ; son être n’est pas un. Dieu est Un dans Son Etre et multiple par Ses Noms comme l’homme l’est par ses membres. L’invocation d’une partie n’implique pas celle des autres (41). Dieu est le Compagnon de la partie de l’homme qui pratique effectivement l’invocation, tandis que les autres demeurent qualifiées par la distraction. (42) Du reste, il faut nécessairement qu’il y ait dans l’homme une partie qui pratique l’invocation (d’Allâh) ; et que Dieu soit le Compagnon de cette partie de sorte qu’Il puisse accorder aux parties restantes une sauvegarde providentielle.

 

(35) Littéralement : « de cette constitution humaine (qui est la nôtre) ».

(36) Jâlis : référence au hadîth qudsî « Je suis le Compagnon de celui qui pratique Mon invocation » ; cf. La Niche des Lumières, p.76, le 3ème khabar.

(37) Par l’invocation véritable, qui actualise la Présence divine dans toutes les parties de son être, l’homme prend conscience du fait qu’il est constitué et manifesté selon la Forme divine, et il obtient par là la Béatitude suprême. Cette excellence totalisatrice ne s’acquiert que « dans » et « par » la constitution humaine synthétique car, après la mort, seuls subsistent, pour ceux qui n’ont pas atteint la Délivrance, les délices paradisiaques qui sont limités et conditionnés.

(38) Bi-mâ huwa râ’in wa huwa-l-basar. Selon cette interprétation, le premier huwa se rapporte à celui qui pratique le dhikr « partie » et imparfait, et le second à  : ce par quoi l’homme voit (de manière habituelle), c’est-à-dire le regard. Toutefois, les mots wa huwa-l-basar sont absents de certains manuscrits, ce qui permet de rapporter le premier huwa au mot lisân (langue) ; on traduit alors : « La langue Le voit là ou l’homme ne le voit pas, par le regard qui lui est propre ». Cette version est présentée par Bâlî comme une alternative à la première qui est généralement adoptée.

(39) C’est-à-dire « contemplant », non « distrait » ; en l’occurrence la langue.

(40) Littéralement : « Il », mais il faut comprendre « Allâh » puisqu’il est question de l’invocation d’ « Allâh », le Nom totalisateur et universel. Rappelons les « Mosquées d’Allâh où Son Nom est invoqué » qui ont été mentionnées supra, note 8.

(41) Littéralement : d’une autre.

(42) Littéralement : « par l’oubli de l’invocation ».

 

7. Dieu n’assume (en rien) la destruction de la constitution (humaine) au moyen de ce qu’on appelle « mort » (43) Celle-ci n’est pas un anéantissement mais uniquement une séparation (44) (par laquelle Dieu) le (45) ramène à Lui ; c’est uniquement cela qui est voulu (46) : …et vers Lui retourne l’Ordre tout entier (47). Quand Il le ramène à Lui, Il « dispose harmonieusement » (48) pour lui (un corps) composé (49) différent de celui-ci, approprié à la Demeure vers laquelle il se dirige, et qui est celle de la permanence. La présence de l’équilibre (au sein de cette condition nouvelle) empêche toute séparation des parties (entrant dans sa composition), de sorte que (l’être) ne meurt plus jamais.

 

(43) Ce paragraphe et ceux qui suivent répondent à une objection sous-entendue.

(44) C’est-à-dire une séparation des parties entrant dans la composition de l’être humain, telles qu’elles ont été énumérées au début du texte.

(45) Le serviteur ; ou le défunt.

(46) On peut sous-entendre « pour le serviteur » ou au « moyen de la mort ».

(47) Cor.11.123.

(48) Sawwâ : c’est le vocable coranique utilisé à propos de la constitution originelle de l’homme.

(49) C’est la lecture « murakkab », terme répété deux fois : à propos de la composition de l’être en ce monde et à propos de cette « composition » nouvelle opérée pour lui dans la vie future. Nâbulusî propose la variante markab « vaisseau », ou même « monture », par référence implicite à la baleine de Yûnus.

 

8. Quant aux « Gens du feu » (50), le terme auquel ils aboutissent est la félicité, mais à l’intérieur du feu ; car celui-ci, lorsque la durée du châtiment se sera écoulée, prendra nécessairement la forme de la fraîcheur et du salut (51) pour ceux qui y seront plongés ; telle est, en effet, la félicité qui leur est propre.

 

La félicité des « Gens du feu » après l’exécution complète des peines légales est celle de l’Ami-intime d’Allâh (52). Lorsqu’il fut jeté dans le feu, sa seule souffrance – sur lui la Paix !- fut de le voir, car il partageait la science et la conviction habituelles selon lesquelles le feu est une cause de douleur (53) pour les êtres du règne animal qui s’en approchent ; il ignorait ce qu’Allâh voulait pour lui dans le feu et grâce à lui (54). Après les souffrances initiales (55), il le trouva « frais et salutaire », bien qu’il vit encore sa forme rougeoyante (56). Cela (uniquement) pour lui, car le feu demeure tel (57) aux yeux des (autres) hommes. Une chose unique peut prendre des apparences différentes pour ceux qui la regardent.

 

(50) C’est-à-dire les damnés.

(51) Allusion à Cor.21.69.

(52) C’est-à-dire Ibrâhîm.

(53) Littéralement une forme qui fait souffrir.

(54) Il ignorerait, avant d’y être jeté, que le feu lui paraîtrait froid et qu’il tirerait de lui une science nouvelle.

(55) Souffrances qui n’étaient dues qu’à sa propre ignorance.

(56) Littéralement : « colorée » (lawniyya). Qâchânî, Nâbulsî et Jâmî adoptent la variante kawniyya (existentielle).

(57) C’est-à-dire brûlant et destructeur.

 

9. Il en est ainsi de la Théophanie (58). Dès lors, tu peux dire, si tu veux : « Allâh Se manifeste théophaniquement d’une manière semblable (à ce feu) » (59) ; et, si tu veux, tu peux dire aussi : « Le monde, lorsqu’on le regarde tel qu’il paraît et tel qu’il est (60), est semblable à ce qu’est Dieu dans la Théophanie » (61) (Autrement dit : )ou bien le monde se diversifie aux yeux de ceux qui (le) regardent (62) en fonction de leurs natures propres (63) ; ou bien ce sont ces natures mêmes qui se diversifient en fonction des théophanies. Tous ces points de vues sont légitimes au regard des réalités principielles (64).

 

(58) Al-tajallî al-ilâhî. Ce paragraphe est une incidente à l’intérieur du développement qui débute au paragraphe 7.

(59) C’est-à-dire qu’à une théophanie unique correspondent des perceptions diverses.

(60) Fi-n-nazar ilay-hi wa fî-hi. Selon Bâlî, le premier terme (“tel qu’il paraît ») se rapporte au degré des attributs divins, et le second (« tel qu’il est ») au degré de l’Essence.

(61) Selon cette perspective, les théophanies sont multiples, leur diversité correspondant à celle des « réceptacles » ou des « natures propres » des êtres qui entrent dans la composition du monde.

(62) Le texte est au singulier : « pour l’œil de celui qui le regarde ».

(63) Alors que, selon la réalité véritable, il est le support d’une théophanie unique qui est celle d’al-wujûd.

(64) Seul le cœur de l’Homme Parfait les réunit tous, car les modifications constantes de sa forme en fonction des théophanies dont il est le support n’affectent pas son unité essentielle (cf. chap 12, §3).

 

10. Si celui qui meurt ou qui est tué – quels qu’ils soient l’un ou l’autre – ne « retournait pas à Allâh » (65), Allâh ne déciderait ni ne prescrirait légalement la mort de personne. Le tout est dans Sa possession (66). Personne n’est perdu pour ce qui Le concerne. S’Il prescrit ou décide la mort, c’est parce qu’il sait que Son serviteur ne Lui manquera pas et reviendra vers Lui conformément à Sa parole : « et c’est à Lui que revient l’ordre tout entier » (67) ; c’est-à-dire : c’est sur Lui (68) que s’exerce le gouvernement ésotérique et ce n’est que Lui (69) qui gouverne. Rien ne sort de Lui qui ne soit Son Etre (70) ; ou plutôt c’est Son Ipséité (71) qui est l’être de cette chose. Tel est le sens que le dévoilement initiatique confère à Sa parole : « et c’est à Lui que revient l’ordre tout entier » (72).

 

(65) Le texte ajoute : « lorsqu’il meurt ou lorsqu’il est tué ».

(66) Fî qabdati-Hi ; littéralement : « dans Sa prise ou dans Sa poignée ».

(67) C’est la reprise, à titre de conclusion, du verset cité au §7.

(68) En tant qu’il s’identifie à l’Ordre, autrement dit à la Réalité actuelle.

(69) Huwa.

(70) ‘Aynu-Hu.

(71) Huwwiyatu-Hu.

(72) Toute chose retourne à Lui car toute chose procède de Lui et ne cesse jamais de Lui appartenir dans son essence.

 

(Ibn Arabî - Le Livre des chatons des sagesses – traduction, notes et commentaires de Charles-André Gilis ; p.508-512).

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