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La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme,…) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh.

René Guénon : Esprit et intellect (1/2)

gabrielOn nous a fait remarquer que, tandis qu’il est souvent affirmé que l’esprit n’est autre qu’Atmâ, il y a cependant des cas où ce même esprit paraît s’identifier seulement à Buddhi ; n’y a-t-il pas là quelque chose de contradictoire ? Il ne suffirait pas d’y voir une simple question de terminologie, car, s’il en était ainsi, on pourrait tout aussi bien ne pas s’arrêter là et accepter indistinctement les multiples sens plus ou moins vagues et abusifs donnés vulgairement au mot « esprit », alors que, au contraire, nous nous sommes toujours appliqués à les écarter soigneusement ; et l’insuffisance trop évidente des langues occidentales, en ce qui concerne les idées d’ordre métaphysique, ne doit certes pas empêcher de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les confusions. Ce qui justifie ces deux emplois d’un même mot, c’est, disons-le tout de suite, la correspondance qui existe entre différents « niveaux » de réalité, et qui rend possible la transposition de certains termes d’un de ces niveaux à l’autre.

 

Le cas dont il s’agit est en somme comparable à celui du mot « essence », qui est susceptible de s’appliquer de plusieurs façons différentes ; en tant qu’il est corrélatif de « substance », il désigne proprement, au point de vue de la manifestation universelle, Purusha envisagé par rapport à Prakriti ; mais il peut aussi être transposé au-delà de cette dualité, et il en est forcément ainsi lorsqu’on parle de l’ « Essence divine », même si, comme il arrive le plus souvent en Occident, ceux qui emploient cette expression ne vont pas dans leur conception de la Divinité au-delà de l’Etre pur (1). De même, on peut parler de l’essence d’un être comme complémentaire de sa substance, mais on peut aussi désigner comme l’essence ce qui constitue la réalité ultime, immuable et inconditionnée de cet être ; et la raison que la première n’est rien d’autre que l’expression de la seconde à l’égard de la manifestation. Or, si l’on dit que l’esprit d’un être est la même chose que son essence, on peut aussi l’entendre dans l’un et l’autre de ces deux sens ;et, si l’on se place au point de vue de la réalité absolue, l’esprit ou l’essence n’est et ne peut être évidemment rien d’autre qu’Atmâ. Seulement, il faut bien remarquer qu’Atmâ, comprenant en soi et principiellement toute réalité, ne peut par là même entrer en corrélation avec quoi que ce soit ; ainsi, dès lors qu’il s’agit des principes constitutifs d’un être dans ses états conditionnés, ce qu’on y envisage comme l’esprit, par exemple dans le ternaire « esprit, âme, corps », ne peut plus être que l’Atmâ inconditionné, mais ce qui le représente  en quelque sorte de la façon la plus directe dans la manifestation. Nous pourrions ajouter que ce n’est même plus l’essence corrélative de la substance, car, s’il est vrai que c’est par rapport à la manifestation que celle-ci doit être considérée, elle n’est cependant pas dans la manifestation même ; ce ne pourra donc être proprement que le premier et le plus élevé de tous les principes manifestés, c’est-à-dire Buddhi.

 

Il faut aussi, dès lors qu’on se place au point de vue d’un état de manifestation tel que l’état individuel humain, faire intervenir ici ce qu’on pourrait appeler une question de « perspective » : c’est ainsi que, lorsque nous parlons de l’universel en le distinguant de l’individuel, nous devons y comprendre non seulement le non-manifesté, mais aussi tout ce qui, dans la manifestation elle-même, est d’ordre supra-individuel, c’est-à-dire la manifestation informelle, à laquelle le Buddhi appartient essentiellement. De même, l’individualité comme telle comprenant l’ensemble des éléments psychiques et corporels, nous ne pouvons désigner que comme spirituels les principes transcendants par rapport à cette individualité, ce qui est précisément encore le cas de Buddhi ou de l’intellect ; c’est pourquoi, nous pouvons dire, comme nous l’avons fait souvent, que, pour nous, l’intellectualité pure et la spiritualité sont synonymes au fond ;et d’ailleurs l’intellect lui-même est aussi susceptible d’une transposition du genre de celles dont il a été question plus haut, puisqu’on n’éprouve en général aucune difficulté à parler de l’ « Intellect divin ». Nous ferons encore remarquer à ce propos que, bien que les gunas soient inhérents à Prakriti, on ne peut regarder sattwa que comme une tendance spirituelle (ou, si l’on préfère, « spiritualisante »), parce qu’il est la tendance qui oriente l’être vers les états supérieurs ; c’est là, en somme, une conséquence de la même « perspective » qui fait apparaître les états supra-individuels comme des degrés intermédiaires entre l’état humain et l’état inconditionné, bien que, entre celui-ci et un état inconditionné quelconque, fût-il le plus élevé de tous, il n’y ait réellement aucune commune mesure.

 

(1) L’emploi du terme Purushottama, dans la tradition hindoue, implique précisément la même transposition par rapport à ce que désigne Purusha dans son sens le plus habituel.

 

(René Guénon, Esprit et intellect, Etudes Traditionnelles, juillet-août 1947).

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